Quelle place pour l’inclusion ?
Un des principes mis en avant dans la pédagogie Freinet est le respect des rythmes de chacun au travers d’une approche individualisée visant un objectif global.
Il en va de même pour les principes de base visant l’inclusion de jeunes en situation de handicap en milieu scolaire.
Ainsi, il est fondamental de définir un projet individualisé respectant un développement propre à chacun ; de définir un rythme, une temporalité spécifique à chacun. Cela implique de la part des enseignants la capacité de montrer une grande flexibilité, une grande capacité d’adaptation, mais aussi de savoir métacommuniquer sur les situations vécues, et ce afin de guider le jeune vers les objectifs éducatifs fixés.
Ce sont les mêmes principes qui sont développés en pédagogie Freinet. Toutefois, s’ajoute la nécessité de veiller à trouver des activités qui soient suffisamment stimulantes, émancipatrices et formatrices tout en ne présentant pas un degré de complexité trop important par rapport aux objectifs de développement fixés à ce moment-là sous peine d’être confrontés à des situations de découragements importants.
Il est central dans la pédagogie Freinet, voir plus encore dans les grands principes de l’inclusion de cerner les besoins de l’élève, mais pour que cela fonctionne, il faut également tenir compte du principe de réalité lié à l’entourage familial, scolaire et professionnel de l’élève.
Tout cela permettra de développer des réponses personnalisées.
« Les réponses personnalisées vont dépendre :
• des capacités de l’enfant;
• de l’inclusion de l’enfant au sein du groupe;
• de l’apport bénéfique pour l’ensemble du groupe;
• du lien avec le projet du milieu d’accueil;
• de la somme d’aptitudes et d’attitudes propres au professionnel:
–– une aptitude à tenir compte et prendre du recul par rapport à la norme, aux temps et à l’intensité du partenariat avec les parents;
–– une aptitude à trouver ou à créer des réponses personnalisées;
–– une attitude de tolérance et d’acceptation de l’autre dans toute sa différence de façon à favoriser l’inclusion et limiter les risques d’exclusion par la stigmatisation (par exemple, si l’installation d’un matériel orthopédagogique permet à l’enfant de participer à l’activité collective, le professionnel veillera à ce que cette installation soit familière, accessible, et fasse partie intégrante du milieu d’accueil pour ne pas susciter de réaction de rejet par les autres enfants.);
• de la qualité de la collaboration avec le réseau. » (« L’inclusion des enfants en situation de handicap dans les milieux d’accueil », File asbl, 2013)
Ces réponses personnalisées se doivent d’être mises en place de manière transitoire afin de pouvoir, en permanence, les réajuster en fonction de ce fameux principe de réalité évoqué plus haut.
Mais, si passer de l’intégration à l’inclusion est une évolution, nous devons être attentifs au fait que derrière ce basculement ne se cache un certain déni, une certaine déresponsabilisation du monde politique et donc de notre société envers les réels besoins des intéressés. Pourquoi ne pas tout mettre en œuvre pour faciliter au maximum les missions de l’école qui devront inévitablement résoudre tous les aspects psychologiques qu’entrainera cette démarche d’inclusion ?
Si des moyens humains, matériels et financiers étaient octroyés, c’est un obstacle qui serait déjà franchi, une épine hors du pied ! Toute la place serait ainsi faite pour la mise en œuvre du vivre ENSEMBLE et AVEC des personnes en situation de handicap comme tout le monde ! De plus, nous devrons être vigilants et lutter sans cesse non seulement contre tous nos stéréotypes et toutes nos représentations, mais aussi, et surtout contre le penchant naturel de la personne porteur d’un handicap à se faire le plus petit possible pour ne pas encombrer. Laisser aussi toute la place à ces jeunes et à ses parents pour dire tous les efforts et tous les sacrifices au quotidien que cette envie de ne pas être un fardeau pour les autres représente.
Cette première approche de la place de l’inclusion dans notre école, bien que lacunaire, permet de percevoir que la pédagogie Freinet est particulièrement adaptée pour ce genre de projet et que notre école mettra tout en œuvre pour respecter ces principes tout en les faisant évoluer en fonction des besoins qui apparaitront au fur et à mesure.
De manière à encadrer ces aspects-là , une Commission Inclusion, chargée de réfléchir sur cette thématique, sera rapidement mise en place. Cette Commission sera composée d’enseignants, de professionnels de la santé et de l’éducation ainsi que de parents.
L'inclusion, qu'est-ce que c'est?
Le concept d’inclusion est relativement jeune en Belgique. Il nous vient des pays anglo-saxons et du Québec.
Il est né, notamment, pour mettre en avant l’évolution entre un concept d’intégration qui évoque principalement la présence physique de jeunes en situation de handicap et cette idée qu’une personne en situation de handicap doit être impliquée comme tout le monde dans la vie de l’école et plus largement de la société.
L’inclusion repose sur un principe éthique fondamental qui est le droit pour tous les enfants de fréquenter un enseignement ordinaire. Il ne s’agit pas d’accepter des jeunes désignés comme nécessitant un enseignement spécifique ni de les réintégrer. L’inclusion est plus fondamentale « demandant que les écoles se transforment elles-mêmes en communautés scolaires où tous les apprenants sont accueillis sur la base d’un droit égal» (Armstrong, 1998, « Changing Faces, Changing Places: Policy Routes to Inclusion », p. 53).
Ce principe transforme la perception de l’élève en situation de handicap pour toucher l’ensemble des élèves et ce quel que soit leurs différences sociales, culturelles, économiques, etc. Il ne s’agit pas de gommer les différences, mais de les reconnaitre, d’en apprécier et d’en utiliser la diversité. « Une école inclusive accueille tout le monde sans distinction. Cela signifie que la culture de l’école doit être telle que personne ne soit stigmatisé (…). Le curriculum et la pédagogie doivent prendre en compte la diversité » (Armstrong et Barton, 2003, « Inclusive Education: Policy, Contexts and Comparative Perspectives », p. 95).
« Contrairement aux craintes qu’elle suscite parfois (Gillig, 2006), l’instauration d’une école inclusive ne peut se réaliser sans condition, elle est même très exigeante. Mais une différence fondamentale avec l’intégration est que les conditions à rechercher ne se situent pas au même niveau. Dans une perspective d’intégration, elles se situent plutôt du côté des enfants. C’est sur eux essentiellement que repose l’effort d’adaptation à l’école et à ses normes de fonctionnement.
Des aides individuelles leur sont en général apportées pour leur permettre de suivre l’enseignement tel qu’il est (Gossot, 2005). Dans une perspective inclusive, on considère que c’est prioritairement à l’école de s’adapter pour prendre en compte la diversité des élèves, c’est-à -dire de s’engager dans une évolution des pratiques d’accueil et d’enseignement, pour permettre à tous les élèves d’apprendre.
L’intégration repose ainsi plutôt sur une conception individualisante (et déficitaire) du handicap, celui-ci étant lié aux manques du sujet, que l’on tente de compenser ou réparer. Au contraire, la notion d’école inclusive prend en compte la dimension sociale du handicap, entendu comme une entrave à la participation, résultant de l’interaction entre des caractéristiques individuelles et les exigences du milieu.
Elle met l’accent sur le fonctionnement scolaire et sur les conditions pédagogiques à instaurer pour réduire les obstacles aux apprentissages. » (Belmont et Vérillon, « La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation » - no 37 • 1er trimestre 2007, p.161).
Une école pour tous
Le projet d’école secondaire mené par l’asbl « De l’autre côté de l’école » met le focus sur la notion d’inclusion.
Notre école est pensée, développée, pour inclure des jeunes en situation de handicap. A la différence de l’intégration où un jeune en situation de handicap « vient s’ajouter » à une classe existante, l’inclusion va plus loin : chaque personne, chaque jeune, est différent et chacun doit faire un effort pour vivre et apprendre ensemble. Tandis que le concept d’intégration parle d’enseignement différencié et adapté, l’inclusion défend une méthode générale et adaptée à tous les élèves, que ceux-ci aient des besoins spécifiques liés à une situation de handicap ou non.
Ainsi, nous ne voulons pas « simplement » être une école qui accueille des élèves en situation de handicap, mais une école qui appréhende chaque jeune en tant qu’individu unique, avec son cadre culturel et social, avec ses connaissances et ses difficultés propres.
En cela nous rejoignons les principes défendus par le programme « En route vers un enseignement inclusif » (2008) mis en place par l’Europe au travers de différentes directives et études. Tout comme ce qui est défendu par l’Europe, nous estimons que pour atteindre cet objectif d’inclusion il n’y a pas un chemin unique. Il faut essayer de nouvelles pratiques, surmonter les obstacles que peuvent parfois être les habitudes et les méthodes utilisées depuis des années.
Les bases ainsi posées, concrètement qu’implique cette idée d’inclusion tant pour l’institution scolaire, que pour les enseignants et les élèves ?
Evoquons tout d’abord l’accessibilité physique. Cette notion ne doit pas simplement être vue en termes d’accessibilité aux jeunes en situation de handicap, mais comme une plus-value pour toutes les personnes impliquées dans la vie quotidienne de l’école. Cette accessibilité ne concerne pas uniquement le bâtiment, mais aussi les activités, le matériel ou encore les équipements spécifiques. Toutes les situations de handicap ne nécessitent pas les mêmes adaptations et nous devons trouver les aménagements raisonnables permettant l’accessibilité au plus grand nombre.
Notre école, nous la voulons démocratique, ouverte sur le monde, respectueuse de tous, conviviale… tout simplement humaine.
En savoir plus l'inclusion?
https://www.laligue.be/leligueur/articles/pour-une-societe-inclusive